de Lucía Etxebarria
Longue lettre d'une jeune mère à sa fille, une réflexion jubilatoire sur la féminité actuelle.
Tour à tour drôle, piquante et poétique, elle lui parle des désirs multiples et parfois contraires qui tiraillent le cœur de la femme moderne : être indépendante, attirante, active, aimante, exemplaire, l'une après l'autre ou toutes à la fois. Elle lui parle aussi de ses doutes d'écrivain, de l'inspiration capricieuse et de la cavalcade impatiente des idées et des mots.
quelques extraits
- Je vivais au pays de l'oubli, au pays gris de l'alcool.
- Quand on croit aller mal, on peut toujours se dire qu'il y a des gens qui vont encore plus mal. Et ça ne console de rien, ça ne fait que rendre plus triste, on se sent encore plus impuissante si c'est possible.
- Que fait un écrivain, sinon se construire une réalité alternative pour fuir celle qui l'entoure ?
- "On dit que le sage véritable est celui qui apprend à être heureux, ou du moins à être serein, car il ordonne sa vie et la fortifie par la raison, de façon que les affronts et les catastrophes l'affectent le moins possible.
Mais ce sont moins les événements que la perception, ce n'est pas tant la raison que la sensation. Nous ne sommes pas heureux parce que nous savons avoir des raison de l'être, mais parce que nous sentons que nous avons des raisons de l'être, et nous le sentons à partir de facteurs qui nous échappent, qui ont bien plus à voir avec la biologie ou avec le plan divin qu'avec nos pauvres armes de la raison."
- Les enfants qu'on laisse pleurer sans les consoler apprennent qu'il ne peuvent pas obtenir de réaction de leur environnement, que tout le monde s'en fiche de savoir ce dont ils ont besoin, bref, qu'ils sont seuls au monde.
- Tu as passé toute la matinée à pleurer, et quand il s'est avéré que ce n'était ni parce que tu voulais manger (tu m'as recraché le lait à la figure avec indignation), ni parce que tu avais besoin de ta tétine (que tu as recrachée aussi), ni parce que tu avais sali ta couche, j'ai compris que la seule chose que tu voulais, ma petite emmerdeuse gâtée pourrie, c'était que je te prenne dans les bras, si bien que je suis en train d'écrire en te tenant dans mes bras, position extrêmement inconfortable pour moi mais qui semble t'enchanter, car maintenant tu es sage comme une image, tu regardes alternativement ta mère et le clavier, avec la plus grande attention, comme si tu envisageais sérieusement la possibilité de suivre, quand tu seras grande, les traces de celle qui t'a mise au monde (vu la façon dont ça s'est passé pour moi, je te le déconseille de tout cœur).